La réponse de Sneguroshka ne faisait que confirmer ce que pensait déjà Misha. Tant que les Woodlands ne comprendraient pas que ce n'était pas la pègre la source du mal, mais bien l'administration elle-même qui entrainait l'apparition de mauvaises graines, leur petite société ne tournerait jamais rond.

Le loup gris sourit lorsque ses sandwichs reçurent l'approbation de la demoiselle. Et alors qu'il dévorait le sien, il manqua de s'étouffer en entendant les paroles de sa compatriote. Il toussotta et se tapa la poitrine pour fait descendre le bout qui était mal passé, la larme à l'oeil.

— T'as déjà une idée de noms ? , demanda-t-il en riant et toussant en même temps.

Ah que les gens pouvaient être étranges ! Il avait entendu dire que les hommes faisaient eux aussi ce genre de chose. Une habitude franchement bizarre pour le Loup. Les humains et leur manie de donner des noms à tout ce qu'ils voyaient....

— Haha mais c'est quoi cette obsession avec l'hydromel ? Je savais même pas qu'on pouvait en trouver ici, ajouta-t-il ensuite. Misha lui, préférait la vodka, évidemment, mais c'était aussi un amateur de bourbon. Après avoir finit son sandwich, le loup s'affala un peu plus sur le sofa et leva les yeux en l'air, tentant de se rappeler de sa première transformation en humain. Cela remontait à tellement longtemps !

— Je ne me souviens pas....J'ai toujours jonglé entre loup et humain, d'aussi loin que je me souvienne. Quand on se transformait, ma meute et moi, c'était généralment pour aider des voyageurs égarés. On était un peu les gardiens de la forêt où était notre territoire. 

C'était d'ailleurs ainsi qu'il avait rencontré Ivan Tsarevitch. Le jeune prince traversait sa forêt alors que Misha chassait. Même si le loup n'avait pas dévoré son canasson lors de leur première rencontre, il se serait senti obligé de l'aider.

— On se transformait aussi pour aller au village et vendre notre surplus de chasse en échange de vêtements. Parce que bon, vous les humains vous êtes bizarrement pas à l'aise avec la nudité..., poursuivit-il en haussant les épaules.

Sneguroshka hocha négativement de la tête, haussa les épaules. N’ayant pour l’instant pas de poitrine, aucun nom ne lui venait en tête. Elle attendrait de les voir, comme on attend de voir pour la première fois le visage d’un bébé pour s’arrêter sur le prénom parfait pour ce dernier. La fillette croqua dans le sandwich qui semblait gros, entre ses petites mains et plissa les yeux dans un sourire.

« …Mais l’hydromel c’est fait de miel, c’est délicieux ! »

La vodka aussi. Tout comme le cognac, le whisky et le rhum. Sneguroshka n’était pas une alcoolique… ou peut être que si. D’elle-même, elle ne l’affirmerait pas, jugeant qu’elle pouvait ne pas boire d’alcool s’il le fallait, mais toujours désireuse d’en obtenir. Elle s’arrêta de mâchouiller un instant pour écouter le petit récit de Misha. Lui et sa bande de loup, nus, en ville. Pourquoi pas ! Il ne lui semblait pas que ce dernier ait déjà mentionné sa meute auparavant. Elle l’avait toujours imaginé comme un loup solitaire, sans attache et toujours en voyage. Elle fut tentée de poser la question, de demander où était les autres, mais préféra silencieusement dévorer son sandwich. Le passé d’un homme ne regardait que lui, après tout.

« Nous, les humains ? Je ne crois pas en être un, alors si tu veux te mettre à l’aise, ne t’en prive pas. Les humains je crois qu’ils sont surtout frileux. »

Et pudiques. Ou obsessifs. Ou stupides. Ou extrêmes. Sneguroshla se traina sur le divan et vint se poser tout près de Misha. Elle le regarda avec ses grands yeux bleus, curieuse, on pouvait presque croire qu’elle sautillait sur les ressorts de son coussin.

« Est-ce que Bigby Wolf est dans la même meute que toi ? Est-ce que je peux être dans ta meute, moi aussi, ou il faut absolument être un loup ? »

Sneguroshka, âgée de plusieurs siècle, avait envie d’être dans la même équipe que le loup gris. La fillette de neige étendit ses jambes devant elle et les posa sur celles de Misha. Encore, elle sortit de sa poche le portefeuille bien rempli d’argent.

« Et ça, ce serait ma contribution à la meute ! »

Même si elle évitait de dire au shérif qu’elle volait de pauvres mundanes. Il n’appréciait pas tant le geste.

— Haha non ça va aller, j'aime mes vêtements. 

Le corps humain était très mal adapté à la nudité. Les humains étaient comparativement très peu poilus et leur peau trop fine et sensible, sans aucun pelage pour la protéger efficacement. Non, les vêtements étaient une nécessité pour les hommes, c'était un fait. Ce que Misha ne comprenait pas c'était ce tabou sur le fait d'être nu devant ses congénères.

Misha observa avec curiosité la petite demoiselle se rapprocher de lui, se demandant bien ce qu'elle lui voulait maintenant. Le Loup Gris passa délicatement une main dans ses cheveux de neige, lui souriant tendrement, lorsque la demoiselle le bombarda de question.

— Non, Bigby et moi, on est pas de la même meute. On ne vient même pas du même royaume. 

Ce n'était pourtant pas l'envie...ou plutôt le besoin d'appartenir à un groupe qui lui manquait. Et pendant longtemps, le Loup Gris s'y était refusé, par respect pour sa meute d'origine et parce que la douleur était toujours aussi vive. Et pourtant, sous le regard pleins d'envie de Sneguroshka, Misha se surprit à penser que reformer une meute n'était peut-être pas une si mauvaise idée.

— Pas besoin d'être humain pour appartenir à une meute, devochka. Et puis tu en fais déjà partie, ajouta-t-il en passant un bras autour de ses épaules. Ils formaient une drôle de petite famille tous les deux, mais ce n'était déplaisant. Cela le rendait même heureux que la demoiselle des neiges y tienne à ce point.

— Et moi en tant que membre de la meute, je te dis de garder ton argent. Tu t'en serviras pour ton glamour, répliqua ensuite le loup en repoussant sa petite main. La meute prenait soin de ses petits, même si techniquement, Sneguroshka n'était plus un louveteau depuis longtemps.

Le sourire de l’enfant de neige s’élargit. Comme si cette seule phrase venait d’éclairer sa journée ! Il lui en fallait peu, pour être réjouie, tout comme les jeunes mundanes. C’était simple, c’était abordable et, ciel ! Pourquoi se compliquerait-elle la vie, pourquoi en demanderait-elle plus ? Lorsqu’il passa son bras autour de ses frêles épaules, Sneguroshka vint se blottir contre le loup et gigota jusqu’à être confortable.

Une nouvelle fois, elle rangea le portefeuille dans sa poche. Il y tenait, à ce qu’elle s’achète un Glamour. Ou plutôt, Misha était vaaachement plus économe qu’elle. La fillette avait du mal à mettre de l’argent de côté, ayant la fâcheuse manie de dépenser ce qu’elle gagnait. Elle payait chères ses petites robes ! Elle payait cher son alcool ! N’ayant jamais eu à véritablement prendre soin de ses économies, Sneguroshka gérait son argent presque de manière irresponsable, s’achetant quelques folies ici et là. Oh, bien sûr, elle possédait un bon montant de côté, quelques sous qu’elle gardait « au cas où » pour affronter le capitalisme mundane. Mais, à côté, il lui semblait que les Glamours lui étaient inaccessibles.

« Je vais devoir retourner chez moi, Mishka. »

Fit-elle quelques quarts d’heure plus tard. Sneguroshka regarda au préalable par la fenêtre, jetant un coup d’œil au ciel dorénavant plus nuageux. Elle sortit, ave le Loup Gris, à l’extérieur et ils repartirent vers Fabletown. Sur la route, elle ne put s’empêcher de plonger sa main dans le sac d’une dame qui marcha, un court instant, près d’eux. L’enfant de neige grimaça lorsqu’elle vit que sa prise n’était qu’un poudrier. Du Maybelline en plus. Peu importe ! Elle le glissa dans sa poche et glissa ensuite ses doigts sous ceux de Misha.

Arrivés au quartier des Fables, Sneguroshka pointa un bâtiment, mais surtout, le dernier étage de celui-ci.

« C’est là-haut que je vis, si l’envie te dit de passer. Par contre, il faudrait que tu t’emmènes des chaussettes de laine, il fait froid. » Elle leva les yeux vers le jeune homme, souriante. « Tu peux aussi te transformer en loup, c’est beaucoup plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur ! » Ahh, la magie, qu’elle chouette invention !

Elle salua le loup gris et entra dans le bloc appartement, saluant joyeusement de la main le journaliste.