Sortant d'une matinée de boulot chez un de ses clients, Sophie avait bien profité de son midi pour repenser à tout ce qui lui fallait. Cet après-midi, elle avait décidé de se rendre aux bureaux de Fabletown pour y déposer une demande d'ouverture d'entreprise. Elle avait déjà déposé ici et là des petites annonces sur sa nouvelle boutique de couture pour Fables et avait même publié dans le journal. Cet article lui avait déjà amené quelques clients, mais il était temps d'officialiser son statut.
Jusque là, elle n'avait pas eu à le faire pour son petit boulot de bonne à tout faire, même si ses clients les plus hauts placés lui avait conseillé de se déclarer, mais cette fois, c'était beaucoup plus sérieux, il lui fallait donc être dans les règles.
Elle avait pris tous ses papiers d'identité et préparé son plaidoyer, restait seulement à se rendre dans les bureaux. Et après s'être changée pour paraître plus professionnelle, elle avait pris la route avec son paquetage.

N'ayant pas pris rendez-vous, elle dut attendre son tour dans le couloir qui servait de salle d'attente. Sophie salua donc de la tête les personnes présentes devant elle et se tint à sa place.
Autant elle connaissait très bien les Woodland's parce qu'elle venait souvent y travailler, autant elle n'avait eu que peu l'occasion de monter à l'étage administratif. Il y avait bien eu une ou deux fois pour officialiser son arrivée à Fabletown, demander un logement ou les informations nécessaires à se mêler au monde mundane, mais pas vraiment plus de visites en ces lieux. Elle en avait déjà fait du chemin depuis son arrivée en ces lieux ...

 Pour une raison qui lui était encore mystérieuse, les pas de la jeune rousse l'avaient mené jusqu'au lieu de travail de sa soeur, Snow White.

Cherchant une excuse quant à cette visite imprévue tout en traversant les couloirs du bâtiment, elle eu l'idée de lui rendre la fameuse petite montre qu'elle avait "emprunté" lorsqu'elles étaient encore dans le Royaume. Mais cette idée fut bien vite écartée puisque la jeune femme était légèrement attachée aux objets qui lui restaient de cette partie de sa vie. Lorsqu'elle avait été capturée avec sa soeur, Rose Red avait en effet tout laissé derrière elle, comme tous les habitants du Royaume probablement.

Elle secoua légèrement ses cheveux roux soigneusement coupés court afin de chasser le sentiment de nostalgie qui commençait à l'envahir et se concentra plutôt sur ses pas.
Elle était vêtue d'un pantalon de soie, qu'elle avait gardé après avoir passé la nuit avec un mundane riche et s'être rhabillée en se servant dans la garde-robe de la femme de celui-ci, accompagné d'une chemise sombre dans la poche de laquelle se trouvait une belle rose rouge parfaitement placée.
Elle avança avec assurance jusqu'à la file d'attente interminable qui trônait dans le couloir. Décidée une nouvelle fois d'embarrasser sa chère sœur, elle dépassa tout le monde d'un même pas calme et confiant, jusqu'à arriver près de la petite machine qui distribuait de l'eau. Entre temps, les rouspéteurs les moins patients s'étaient fait entendre, croyant sans doute qu'elle allait directement tout devant, et cela procura un plaisir particulier à la jeune femme. Elle se servit calmement de l'eau sous le regard attentif des personnes présentes, certains devenus rouges après leur plaintes inutiles.
Un sourire froid, qui n'en était probablement pas un, se dessina sur les fines lèvres de Rose Red alors qu'elle parcourait l'assemblée du regard.

Elle remarqua à quel point elle ne connaissait pas grand monde parmi les personnes "normales", même si aux yeux de Rose Red la norme était une chose bien ennuyeuse, vivant à Fabletown.
La belle rousse jeta son gobelet vide dans le panier destiné à cet effet et se dirigea vers le siège vide qu'elle avait repéré, s'installant à côté d'une jeune femme qui semblait s'être donné du mal pour avoir l'air présentable. Rose Red n'avait certes pas trouvé d'excuse quant à sa présence ici, mais elle était impatiente de voir l'expression de sa sœur lorsqu'elle remarquera sa présence.

Peu de temps après elle arriva une autre femme. La queue n'avait toujours pas avancée qu'elle continuait de s'allonger. La dernière arrivée avait l'air plutôt nonchalante, pas trop pressée apparemment. Tant mieux pour elle, parce qu'il y avait facilement une demie heure d'attente ! Enfin ... en la voyant approcher d'elle, jeter un oeil à la file et la dépasser, Sophie se sentait beaucoup moins sympathisante ! Comment osait-elle ?! Ne voyait-elle donc pas qu'elle n'était pas la première arrivée ?! Où croyait-elle avoir gagné un passe droit comme ça ?! Bon, bon, bon, il était temps de se calme là Sophie, cela ne sert à rien de monter sur ses grands chevaux sans rien savoir, même si la scène qu'on a sous le yeux nous semble de la pire injustice. Après tout, peut être travaillait-elle ici et devait aller chercher des papiers dans le bureau d'à côté ou ... ah ... la jeune fille se sentit bien bête à la seconde où elle vit que cette femme se contentait de se servir un verre d'eau avant de revenir en arrière. Sophie passa de son expression courroucée à des belles joues roses de honte. Au moins, elle n'avait pas ronchonné à voix haute comme d'autres. L'homme qui était second dans la file avait semblé hésiter à l'attraper pour l'empêcher de passer...

Après tout, qu'est ce qu'elle en avait à faire, hein ? Poussant un soupire discret, elle baissa les yeux sur ses mains. Histoire de s'occuper, elle vérifia la propreté de ses ongles et leur limage. La jeune femme vint s'asseoir à côté d'elle, sur le banc accolé au mur. Elle croisa son regard un bref instant et lui fit un signe de tête pour la saluer. Dans un tel silence, elle n'avait pas trop envie d'ouvrir la bouche ne serait-ce que pour dire bonjour.

La file avança un peu, puisqu'une personne sortit du bureau et une autre y entra au même instant. Il ne restait que trois personnes devant elle, youhouu ... bref, c'était toujours mieux que dix. Sophie pensa quand même qu'il était dommage qu'elle n'ait pas pensé à amener un livre à lire en attendant, mais de toute façon, stressée comme elle était, elle n'aurait pas pu se concentrer dessus.
Et puis, de toute façon ... la lumière s’éteignit.
Se retrouvant dans un noir quasi complet, le couloir n'étant pas éclairé naturellement par la clarté du jour, les personnages présents élevèrent la voix :

Qu'est ce qu'il se passe ici ?
Mais qu'est ce ...

Sophie se contenta de regarder autour d'elle, mais bien sûr, elle n'y voyait pas grand chose. Une fois de plus, elle poussa un soupire.
Eh bin, on est pas rendus... laissa-t-elle sortir de sa bouche.
On commença à entendre des pas à droite et à gauche, des voix s'élever de derrirèe les portes du couloir et même venant des escaliers. La jeune fille espéra que l'ascenseur n'était pas tombé en panne non plus, ou en tout cas qu'il n'y ait personne à l'intérieur ...

Depuis les petites heures du matin Snow White avait été très occupée par les citoyens de Fabletown, croulant sous les plaintes, les requêtes et les mécontentements des Fables qui étaient venus à elle ce matin là. Elle était appuyée sur son siège et avait posé son coude sur l'accoudoir tandis qu'elle se massait la tempe de deux doigts. Dans un geste lasse elle avait fait venir son prochain client. À peine eut-elle le temps de demander ce qui n'allait pas que l'homme se plaignait de sa misérable condition et du manque d'emplois. Le temps était mort durant l'hiver et leur situation financière chutait sur une pente apique. Comme il n'avait que leur propres moyens pour obtenir de l'argent et qu'il n'y avait pas de gouvernement ou autre aide financière de la part des mundanes - seule l'argent gagnée dans les commerces, l'hôpital, celle que les citoyens donnaient en impôts et les prêts de Barbe-Bleue revenaient à la ville - celle-ci peinait à ne serait-ce que donner quelques dollars aux gens dans le besoin. Pourquoi n'allaient-ils pas se trouver un assurance chez les mundanes ? Fabletown n'en avait pas les moyens et l'argent ne poussait pas dans les arbres !

— Je vous l'ai déjà dit, la ville n'a pas de moyens pour une pension, à vous comme à ceux qui patientent derrière vous. Monsieur...

Elle s'était penchée en avant dans son siège et avait posé ses coudes sur son bureau, la mine grave et tout bonnement agacée.

— Je vous conseille d'aller chercher de l'aide auprès des compagnies de finance mundanes, ils vous aideront.

L'homme rugit et balaya vigoureusement l'air de la main.

— À quoi cela sert-il de vivre ici si notre gouvernement n'a même pas les moyens d'aider leur citoyens ?!

Snow White se frotta les yeux, irritée de leur... De SON incompréhension.

— Nous faisons notre possible. Nous faisons en sorte que vous soyez indépendants, que vous vivez par vos propres moyens ! Ce serait trop demandé pour vous de faire pousser votre nourriture, de... De trouver un moyen, de vous débrouiller ? Nous n'avons pas les moyens de vous aider, alors quand je vous dit que je ne peux p-...

— Vous n'avez pas les moyens pour quoi mademoiselle ?! Pour nous ou pour votre salaire ? Que je sache, vous n'êtes pas dans la misère vous... !

— Parce que j'ai travaillé pour ! Vous ne savez pas dans quel sujet vous vous embarquez, trouvez-vous un emploi et rendez-vous utile, bon sang !

Elle s'était levée, grinçant des dents. Ses cernes en disaient long sur la condition de ces derniers jours, pas même le maquillage n'arrivait à les camoufler. L'homme ferma la bouche et bientôt Boy Blue s'était levé à son tour, apportant un café à son patron pour chasser l'homme et lui envoyer ses plus beaux vœux avant qu'il ne l'expulse du bureau. Accueillant un autre une fois qu'elle eut donné son feu vert.

Le prochain fut une femme, dans la cinquantaine. Elle demandait à travailler avec les sorcières au 13ième étage, mais lorsqu'elle tenta de montrer quoique ce soit sur ses talents, les lumières s'éteignirent. Snow White étouffa un juron, contournant son bureau pour grommeler quelque chose.

— Qu'est-ce que c'est encore...

Elle demanda à Bufkin d'aller trouver Flycatcher qu'il puisse arranger ce problème et se tourna vers Boy Blue - même si elle ne le voyait pas très bien - pour que lui aille chercher de quoi éclairer le temps que ça revienne, son bureau et les couloirs.

En quelques minutes, le blondinet lui revint avec quelques lampes à l'huile, chandelles et autres bidules qui leur serviront. Il se contenta d'éclairer comme il le pouvait les places principales du bureau, Snow elle fit un tour à l'extérieur pour déposer quelques lampes dans le couloir et allumer les chandeliers accrochés sur les murs, ou du moins ceux qui possédaient encore de la cire.

Rose s'occupait comme elle le pouvait, haïssant le fait d'être entourée de gens ennuyeux, lorsque le couloir -et le bâtiment- tout entier plongea dans l'obscurité.

Elle tenta de voir plus clair en clignant plusieurs fois des yeux, mais en vain. La porte du bureau s'ouvrit et Rose ne fut pas surprise -ni ravie- de voir sa sœur, Snow, s'occuper de disposer les lampes dans le couloirs et d'allumer les chandeliers. Dans cette obscurité, rassurante pour Rose et déstabilisante pour la plupart des autres personnes présentes, la rousse hésita à se manifester auprès de sa sœur. Elle avait rarement la chance de l'observer en action sans que celle-ci ne la voit...

Mais finalement, Rose se faufila jusqu'à Snow pour lui proposer son aide.
« Besoin d'un coup de main, Snow ? »

À peine avait-elle prononcé ces quelques mots que des plaintes commençaient à se faire entendre de la part des fables qui occupaient le file dans le couloir. Rose se retourna pour essayer de reconnaître ceux qui osaient se plaindre, mais en vain.

« Vous espérez qu'on vous prenne au sérieux avec un service pareil? »
« Et vous osez nous faire croire que vous arrivez à prendre soin des fables alors que vous êtes incapables de faire fonctionner ce bâtiment correctement! »

Des accusations plus ridicules les unes que les autres, mais il suffirait de moins que cela pour mettre Rose et Snow hors d'elles dans une situation pareille.
Rose se tourna vers Snow pour voir sa réaction, mais celle-ci était déjà passée à l'action!
Rose parcouru une nouvelle fois le couloir du regard et croisa celui de la jeune femme qui l'avait saluée plus tôt; celle-ci semblait déterminée à ne pas perdre sa place dans la file malgré la situation.

« CALMEZ-VOUS SINON JE VAIS LE FAIRE !! » lâcha enfin Rose sur un ton qui dépassait toutes les plaintes et accusations. Elle plongea une main dans sa poche pour en sortir son paquet de cigarettes et s'en alluma une en pensant que si le shérif Bigby pouvait fumer ici, alors elle aussi. Elle tira sur sa cigarette en savourant le silence soudain qui fut rapidement brisé, mais heureusement pas par des plaintes.